Xavier Bertrand candidat en 2027

 

À 58 ans, Xavier Bertrand croit plus que jamais en son destin présidentiel. S’il a le regard résolument tourné vers l’avenir, le patron des Hauts-de-France n’oublie pas qu’en 2022, sa course à la présidence s’était soldée par une sortie de route. Fin de partie pour celui qui n’était pas parvenu à obtenir l’investiture des Républicains. La suite, on la connaît. Un crash monumental pour Valérie Pécresse, la candidate LR (4,78 % des voix au premier tour) et un nouveau départ pour XB qui, la même année, avait créé « Nous France », son propre mouvement politique destiné à brasser des idées et fédérer des adhésions autour d’un projet « républicain, populaire et humaniste ». Avec déjà en ligne de mire l’élection présidentielle de 2027…
Le 3 février dernier, vous avez annoncé votre souhait de vous présenter en 2027, soit trois ans avant l’échéance. Pourquoi maintenant, pourquoi si tôt ?
– X.B. : « J’ai tout simplement voulu répondre avec franchise au journal Ouest-France qui, ce jour-là, m’a posé la question. Alors oui, j’ai l’intention d’être candidat à la présidentielle de 2027. C’était important pour mes soutiens, que ce soit les parlementaires, les élus locaux, les militants et sympathisants de « Nous France », de savoir clairement pourquoi ils s’engageaient à mes côtés, pour porter nos idées et porter le moment venu un projet pour les Français. Il n’était pas question de tergiverser. On m’a posé la question, j’y ai répondu avec clarté, le plus directement possible. »
Votre candidature à l’Elysée avait tourné court en 2022…
– X.B. : « Ah ça, on peut le dire ! » (rires)
Etes-vous certain de pouvoir cette fois aller jusqu’au bout ?
– X.B. : « Je peux vous garantir que j’ai appris de mes échecs. On ne me reprendra pas deux fois à faire les mêmes erreurs ! Ce dont je suis sûr, et c’était déjà ma conviction première en 2022, c’est que l’élection présidentielle est une rencontre avec les Français, pas une rencontre avec un parti politique. »
En vous lançant dans la course à la présidentielle, on sent votre volonté de batailler contre l’extrême droite, contre une sorte de fatalisme qui prévoit la victoire de Marine Le Pen en 2027…
– X.B. : « Pour mener une présidentielle, il faut d’abord incarner un espoir pour les Français, être porteur d’un projet ambitieux. J’entends beaucoup de gens, notamment dans le milieu médiatico-politique à Paris, expliquer qu’il n’y a rien à faire, qu’en 2027, ce sera le tour de Marine Le Pen. Moi, je refuse ce fatalisme. Ce n’est pas ce qui motive en premier mon envie d’être candidat à l’élection présidentielle mais en tout état de cause, je connais clairement les dangers du Front national, dus notamment à son incompétence. Ce que je sais, c’est qu’aujourd’hui, le président de la République et le Premier ministre n’ont pas de majorité absolue, ce qui les empêchera de mener à bien les projets dont le pays et les Français ont absolument besoin. L’exaspération et la colère vont continuer à monter. Si je devais reconnaître une seule compétence à l’extrême-droite, c’est de savoir capter la colère. Mais je le dis clairement, en 2027, ce ne sera pas le tour des extrêmes. Si beaucoup de Français sont prêts à mettre un bulletin de vote dans l’urne pour le FN, c’est par colère. Je suis convaincu qu’en proposant des solutions, en apportant des réponses à cette colère, il est possible de faire reculer le Front national. Je l’ai fait dans les Hauts-de-France et je continue à le faire. »
En paraphrasant Laurence Ferrari, qui s’adressait alors au candidat Hollande en 2012, j’ai envie de vous poser la question : « Quel président comptez-vous être ? »
– X.B. : « à plus de trois ans de l’élection présidentielle, ce ne serait pas sérieux de dire : « Voilà quel Président je serai », parce que je suis intimement convaincu que le chemin qui nous sépare de 2027 va être très formateur. Ma conviction, c’est qu’il faut un président pour tous les Français, c’est-à-dire un président de rassemblement et de réconciliation. Dans notre devise républicaine, le terme de « fraternité », synonyme de lien entre les Français, a sacrément besoin d’être renforcé. On ne peut pas continuer à vivre avec autant de fractures, qui sont devenues des fractures ouvertes, à vivre les uns à côtés des autres et bien souvent les uns contre les autres, ce n’est même pas pensable. Il faut un président à la fois pour les Français, proches d’eux, capables de les comprendre et de ressentir ce qu’ils vivent, mais aussi un président qui aura à cœur d’orchestrer ce rassemblement. »
L’un de vos chevaux de bataille concerne la « République des territoires », par opposition au centralisme parisien. Colbert et Mazarin ne sont clairement pas vos modèles…
– X.B. : « La France est un pays formidable mais elle est aujourd’hui asphyxiée par son hypercentralisation. C’est terrible. Un Etat qui veut s’occuper de tout, depuis Paris, est un Etat qui est de plus en plus fragile. En leur temps, Colbert ou Mazarin ont eu le mérite de mettre en place un Etat fort, un Etat stratège qui préparait l’avenir. La République des territoires à laquelle je crois depuis des années, ça n’est pas opposer Paris et la province, ça n’est pas opposer les zones urbaines à la ruralité, c’est tout simplement faire en sorte que l’Etat s’occupe avant tout de ses missions régaliennes : sécurité, justice, maîtrise de l’immigration, défense, lutte contre l’islamisme… Concernant la gestion de la vie quotidienne, laissons les territoires s’organiser avec les élus locaux mais aussi avec les préfets. Moi, j’ai besoin d’avoir des préfets avec davantage de pouvoir à l’échelle locale et beaucoup moins nombreux dans les administrations centrales à Paris. Ce besoin de « République des territoires », on l’a très fortement constaté lors des inondations qui ont touché le Pas-de-Calais. A chaque fois, il a fallu que j’interpelle des ministres quand ils se déplaçaient pour qu’ensuite des décisions se prennent à Paris avant de redescendre sur le terrain. Quelle perte de temps ! Alors que le préfet sait pertinemment, en dialogue avec les élus locaux, avec les sinistrés, ce qu’il faut faire. S’il avait le pouvoir de décision, cela irait beaucoup plus vite. »
Être un dirigeant politique, c’est en permanence savoir se battre pour ses concitoyens…
– X.B. : « Je mesure aujourd’hui toutes les possibilités qu’offre le mandat de président de Région. Dans les compétences qui sont les miennes, j’ai en permanence conscience de ma responsabilité vis-à-vis des 6 millions d’habitants des Hauts-de-France. Mais je crois aussi que si on veut vraiment être efficace en termes de développement économique, d’éducation, de santé, de logement, ce n’est pas au niveau d’un président de Région qu’on peut avoir tous les leviers. Il n’y a qu’à la tête du pays qu’on est capable d’engager le redressement nécessaire. C’est aussi la raison pour laquelle j’ai toujours l’intention d’être candidat à la présidence de la République. Je vis un mandat passionnant, dans cette région qui est la mienne, et je vois bien que si on veut vraiment changer les choses, la politique ne doit jamais renoncer à essayer d’améliorer la vie des gens. Je dis souvent qu’en politique, il y a deux catégories : il y a ceux qui se battent et ceux qui ne se battent pas ou plus, parce que ce n’est pas leur ADN, parce qu’ils sont fatigués de se battre, parce que ça n’est pas dans leur nature, qu’ils sont fatalistes. Mais quand on se bat pour des gens, pour des valeurs, pour son pays, les Français s’en rendent compte. »
Depuis votre engagement en politique, vous n’avez cessé de vous réclamer gaulliste. Mais c’est quoi être gaulliste en 2024 ?
– t X.B. : « C’est déjà une volonté de rassemblement, c’est l’idée que la France n’est pas finie, que la grandeur de la France, son indépendance, cela compte. Le gaullisme, ce n’est pas une religion, ce n’est pas non plus une idéologie, c’est un état d’esprit qui nous rassemble et qui nous permet de nous dépasser. C’est à la fois un amour profond de la France et la conviction que nous ne sommes pas un pays comme les autres. Le gaullisme, c’est aussi un refus du fatalisme… »
Vous êtes président des Hauts-de-France, une région qui revendique fièrement ses racines rurales. Comment percevez-vous la colère des agriculteurs, qui est d’ailleurs loin d’être apaisée ?
– X.B. : « Les agriculteurs ne se battent pas pour eux, ils se battent pour nous. Parce que ce qui est en jeu, c’est ce que l’on mange et la qualité de ce que l’on mange. Au-delà de l’alimentation, c’est aussi une certaine idée de la France et de la ruralité. Si nos agriculteurs disparaissent, s’ils ne produisent plus, on sera condamné à manger de la merde. L’expression n’est peut-être pas jolie mais elle a le mérite d’être parlante ! Et puis, cela pose aussi plusieurs sujets : de quelle Europe veut-on ? C’est vrai qu’on a besoin d’Europe, mais elle doit mettre un terme à des accords économiques qui font une croix sur la qualité de l’alimentation. Il serait aujourd’hui impensable de ratifier un accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur parce que ce serait donner le feu vert à l’importation de viande de bœuf et de veau aux hormones. Quant au Green Deal, c’est une folie. Il y a de plus en plus d’humains à nourrir sur la planète et on veut diminuer les terres agricoles de 4 % ! Dans tous les cas, on doit s’attacher à défendre nos agriculteurs qui, contrairement à ce que certains affirment, sont de vrais écologistes. On ne peut pas continuer à leur interdire d’utiliser certains produits phytosanitaires sans leur proposer des solutions à la place. On est en République, il faut arrêter d’être plus royaliste que le roi ! Pourquoi la France serait le seul pays à interdire des produits qui sont utilisés dans le reste de l’Europe ? Enfin, n’oublions pas que les agriculteurs veulent vivre de leur travail. Or, que ce soit avec les transformateurs, les industriels, comme avec la grande distribution, ils sont aujourd’hui les premières victimes de notre système de distribution. On ne peut pas continuer ainsi, sans avoir la garantie que leurs revenus leur permettront de vivre dignement. La vraie question est : est-ce que nous voulons continuer à produire chez nous ce que nous mangeons ? »
Si vous étiez élu en 2027, vous deviendriez le 9e président de la Ve République. Quel a été le pire président à vos yeux et quel est celui pour lequel vous nourrissez le plus d’admiration ou d’affection ?
– X.B. : « Je ne suis pas là pour distribuer des bons ou des mauvais points… Chirac et Sarkozy sont les présidents dont j’ai connu, en tant que ministre, les quinquennats de l’intérieur. Chirac, c’est le « non » aux Américains qui souhaitaient intervenir en Irak. C’est aussi des avancées importantes en matière de justice, pour la retraite, le grand âge, l’interdiction de fumer dans les lieux publics dont j’ai été acteur… Nicolas Sarkozy a, quant à lui, été un président de crise. Que ce soit avec la Géorgie et la Russie, avec la crise financière et celle de l’euro, il a été un président remarquable. De Gaulle est bien évidemment hors norme, Pompidou, c’est la France industrielle, celle des Trente Glorieuses qui ont façonné notre pays. Giscard aura été symbole de jeunesse, tandis que Mitterrand a incarné l’abolition de la peine de mort. Je pense que chacun aura essayé d’occuper le mieux possible la fonction présidentielle… » Propos recueillis par Bertrand Duchet