Toujours très engagé dans une opposition constructive, notamment à travers son mouvement « Nous, France », Xavier Bertrand monte régulièrement au créneau pour formuler des propositions concrètes en faveur du pouvoir d’achat. Pour Saint-Quentin, le président des Hauts-de-France a accepté d’aborder les principaux sujets d’actualité qui préoccupent les Français…
On vit aujourd’hui un paradoxe incroyable : alors que l’inflation ne cesse d’appauvrir les Français, elle enrichit en même temps l’Etat. Une situation à vos yeux inacceptable…
– X.B. : « L’inflation est un impôt qui ne dit pas son nom et qui, en plus, pèse directement sur le pouvoir d’achat et le niveau de vie des Français. Dans le même temps, l’inflation enrichit effectivement l’Etat en gonflant ses recettes. Rien qu’en 2022, le surplus de TVA a atteint 15 milliards €, l’impôt sur les sociétés a rapporté 11 milliards supplémentaires, tandis que le surplus d’impôt sur le revenu a représenté 10 milliards. La question est : où est passé l’argent ?
L’Etat doit nous dire en toute transparence à quoi tous ces milliards ont servi. Si l’Etat dit, comme Bruno Lemaire, qu’il faut réduire les déficits, alors dans ce cas-là, il faut assumer le fait de donner raison aux agences de notation. Moi, je pense qu’il faut à la fois désendetter mais aussi protéger les Français. C’est-à-dire leur rendre une partie du surplus de recettes fiscales. »
Redonner du pouvoir d’achat aux Français, c’est pour vous la première des priorités…
– X.B. : « Les gens n’en peuvent plus et ça, c’est beaucoup plus concret que toutes les savantes études. On le voit, pour faire leurs courses, les gens dépensent moins. Quand ils font leur plein d’essence, ils mettent le plus souvent 10, 20 ou 30 €.
D’ailleurs, faire le plein, c’est une expression mais ça n’est plus la vérité !
La priorité, elle est là. On va me dire, si on rend de l’argent aux Français, il y en aura moins dans les caisses de l’Etat. Nous, les collectivités locales, on est habitué à gérer en fonction de ce qu’on donne et de ce qui rentre. A la différence de l’Etat, on n’a pas le droit de voter un budget en déficit. On est comme les Français ! Il n’y a que l’Etat qui se permet aujourd’hui de voter des budgets en déséquilibre et de faire de la dette. L’inflation a un effet d’aubaine. Par exemple, sur les carburants, on est le seul pays où, quand le prix du pétrole augmente, le prix à la pompe augmente plus que dans les autres pays. Parce qu’on a été super
inventif pour créer des taxes en France. Sur le carburant, il y a la TVA sur le pétrole, la TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) et en plus la TVA sur la TICPE. Pour 1 litre de carburant à 2 €, il y a plus de 1 € de taxe ! »
Alors que les prix des carburants sont repartis à la hausse, vous avez proposé début septembre une ristourne pour tous de 15 à 20 centimes du prix du litre. « Trop cher » a répondu le gouvernement…
– X.B. : « Ce que je crois surtout, c’est que l’Etat n’a pas voulu toucher à sa cagnotte. Le problème est simple : le carburant à prix coûtant, ça fait gagner grosso modo 8 à 10 centimes. Si l’Etat avait décidé d’ajouter à cela une partie de sa cagnotte, on était à 15 centimes moins cher, comme je le préconisais. Ce qui est sûr, c’est que les Français ne s’habitueront pas à payer 2 € le litre de carburant. »
Autre sujet au cœur des préoccupations des Français : la politique migratoire, dont on parle depuis des années et des années. Pour vous, le constat d’échec est sans appel…
– X.B. : « Le problème aujourd’hui est simple : on ne réussit pas à contrôler l’immigration, ceux qui rentrent sur notre territoire, et on n’arrive pas à renvoyer chez eux ceux qui doivent quitter le territoire français. A partir de là, regardons les choses avec bon sens pour rechercher l’efficacité. Première chose, si on ne veut pas que les gens viennent en France et en Europe, il faut aussi qu’ils puissent rester en Afrique et donc très clairement, je veux que l’Europe fasse un pacte de développement économique et de sécurité avec l’Afrique. Tant qu’il n’y aura pas de développement, qu’il n’y aura pas de travail, on aura ce phénomène migratoire. Si on veut changer la donne, il faut se doter d’un nouveau pacte de partenariat. Concernant ceux qui doivent quitter le territoire français, il faut être ferme, quitte à ne plus délivrer de visas aux pays qui ne veulent pas reprendre leurs ressortissants. La France est un pays qui n’a pas le droit de renoncer à se faire respecter. »
Votre proposition de pacte avec l’Afrique est intéressante mais comment la mettre en œuvre ? On est tout de même face à un continent rongé par la corruption, dont les dirigeants politiques portent une lourde responsabilité quant au devenir de leurs peuples. Comment faire avec eux ?
– X.B. : « C’est avec le monde économique africain et avec un certain nombre de nouveaux dirigeants qu’il faut passer cet accord. Il n’est pas question d’investir massivement si ça ne profite pas à la population et à la jeunesse africaine. La France doit pousser l’Europe à s’engager dans cette voie. D’autant qu’on n’est même pas au début d’une crise migratoire d’ampleur. C’est tout notre intérêt de réussir à faire ça. Pour ma part, je suis pour une politique de quotas migratoires. On doit savoir chaque année quels types d’emplois on a besoin de pourvoir et si cela nécessite de faire venir des ressortissants de pays étrangers. »
Vous avez toujours estimé que les territoires avaient besoin de plus de liberté. Vous avez dû applaudir des deux mains le projet d’autonomie de la Corse proposé par le président Macron…
– X.B. : « C’est ce que je dis en Corse
depuis des années. Il faut effectivement donner plus de liberté et aussi plus de responsabilité aux différents territoires. Concernant la Corse, le président de la République a effectivement ouvert la porte. C’est aussi une voie qui doit s’ouvrir pour l’ensemble des régions. Dans les années qui viennent, le développement économique passera essentiellement par les territoires. Il faut vraiment passer la vitesse supérieure sur ce que j’appelle la République des territoires. Il y a trop de choses qui se décident encore à Paris. Tout ce qui concerne la vie quotidienne doit être traité au plus près du terrain.Vous seriez favorable à l’instauration d’un système fédéral en France ?
– X.B. : « Non, parce que les territoires sans l’Etat, ça sera le bazar. Donc, il faut une nouvelle répartition des rôles. Pour l’Etat, les fonctions régaliennes, sécurité, justice, immigration, défense et la préparation de l’avenir afin de ne pas avoir une France à deux vitesses. Mais dans le même temps, les territoires doivent avoir davantage de pouvoir en matière de logement, d’emploi, de transports… »
Les Français sont toujours prompts à faire entendre leurs voix dans la rue. Vous, vous aimeriez les voir plus souvent s’exprimer dans les urnes, via un recours plus fréquent au référendum. Ce à quoi le président de la République semble désormais favorable…
– X.B. : « Je vois effectivement que le président a repris cette idée d’élargir le champ de l’article 11 de la Constitution pour qu’il y ait plus facilement des référendums. Cela dit, le référendum d’initiative populaire, il existe déjà sur le papier mais il est tellement compliqué à mettre en œuvre qu’au final, on a l’impression qu’il a été pensé pour ne pas être appliqué. Moi, je suis pour les deux, plus de référendums à l’initiative du président de la République et la possibilité d’avoir des référendums d’initiative populaire. Ça fait maintenant dix-huit ans qu’il n’y a pas eu un référendum en France. C’était en 2005. Et comme il a été perdu, c’est à se demander si ceux qui gouvernent n’ont pas peur du peuple et de sa volonté. Moi, j’estime qu’il vaut mieux donner la parole aux Français et que le référendum est une vraie respiration démocratique. »
Evoquons maintenant les Hauts-de-France, dont l’attractivité ne cesse de grandir. Quelle est votre recette pour attirer les investisseurs et donc créer des emplois ?
– X.B. : « Parce que c’est ma priorité n°1. Le développement économique, j’en ai directement la charge en tant que président des Hauts-de-France. Je reste mort de faim pour les créations d’emplois !
Mon rôle n’est pas seulement de gérer la Région au quotidien, c’est aussi de la transformer. On a longtemps été une Région perçue comme en déclin. Qu’on fasse aujourd’hui parler de nous, ça montre très clairement que nous disposons de vrais atouts. Pendant des années, on comptait les emplois qui étaient supprimés. Là, on a du mal à compter ceux qui sont en train d’être créés. Cela passe par une véritable transformation industrielle de la Région. »
Parmi vos grands projets, le plus emblématique est sans nul doute celui du canal Seine-Nord. En juin, on a appris que l’Union européenne allait financer les travaux à hauteur de 50 % contre 40 % jusqu’alors. J’imagine que vous avez envie de dire : « Merci l’Europe ! »
– X.B. : « Merci l’Europe à fond ! Sans elle, ce projet n’aurait pas vu le jour. Mais attention : sans l’implication de la Région et des départements, le canal Seine-Nord serait resté lettre morte. Pourquoi on en parlait depuis trente ans et que rien ne voyait le jour ? Tout simplement parce que c’était l’Etat qui pilotait et que les technocrates n’avaient pas envie de ce canal. Aujourd’hui, ce sont les collectivités locales qui pilotent le projet, c’est nous qui avons pris le risque. Si c’était resté entre les mains de l’Etat à Paris, il n’aurait pas avancé d’un pouce. »
Voici un an, vous lanciez « Nous, France ». Où en est ce mouvement avec lequel vous souhaitez porter un « projet républicain, populaire et humaniste » ?…
– X.B. : « Il grandit. A la différence d’un parti politique, on travaille beaucoup sur les idées, avec la volonté de faire des propositions très concrètes. J’ai effectué cet été un tour de France pour aller à la rencontre des délégués et des sympathisants et je me suis aperçu que les Français veulent de l’autorité et qu’ils continuent de croire en la place du travail. Mais surtout, il y a une boussole pour eux, c’est l’avenir de leurs enfants. C’est la question du climat, de la dette, des services publics, de la fierté d’être Français… »
Pour finir, une question plus personnelle… En juin dernier, vous avez été papa pour la 5e fois. Félicitations ! Pas trop dur de revenir aux couches et aux nuits agitées ?
– X.B. : « Mais c’est génial ! On dit souvent qu’on a l’âge de ses enfants, j’y crois dur comme fer ! En plus, avec sa maman, on a la chance qu’elle fasse ses nuits depuis déjà bien longtemps… Ce que je vis là, en tant qu’époux, en tant que père, c’est quelque chose de formidable… »
Propos recueillis par Bertrand Duchet