Inlassablement, Emmanuel Mousset poursuit ses rencontres avec celles et ceux qui façonnent l’histoire de notre ville. Cette fois, c’est Martine Libert qui s’est prêtée au jeu. Après une vie professionnelle entièrement consacrée au ministère de l’Agriculture, c’est dans le monde associatif qu’elle a tracé son sillon, en adhérant notamment à l’Association d’animation du quartier Saint-Jean…
La présidente de l’Association d’animation Saint-Jean est née en 1954 dans le quartier… Saint-Martin, d’une famille originaire de la baie de Somme. Le grand-père travaille à Rue, chez Caudron, constructeur d’avions. Ce mécanicien instructeur est muté à l’aérodrome de Roupy. Les parents ne sont pas très loin, ils tiennent le Routier en haut de la rue de Paris, la mère le jour, le père la nuit. « J’ai eu une enfance normale », reconnaît Martine Libert. Premier contact avec le quartier Saint-Jean (le faubourg, comme on disait autrefois) : le déménagement pour la rue de Bosson et la scolarité à l’école Bachy. Elle entre au collège Clin, puis Denfert-Rochereau, à l’emplacement de l’actuel Espace Matisse. Le quartier a bien changé depuis ces années 50 et 60.
En 1980, Martine Libert s’installe rue Régnault où elle vit encore aujourd’hui. Elle occupe la maison d’une figure connue du quartier : le volailler Michel Chabroux. En face, c’est l’épicerie Waechter. Dans le garage de la supérette, « la grosse Jacqueline », comme tout le monde l’appelle, entrepose le poisson qu’elle vend le vendredi matin près de l’école Paringault. Le samedi, on la retrouve sur le marché du centre-ville devant son étal de bananes. C’était une autre époque, dont Martine Libert a gardé les bruits et les saveurs.
Entrée en 1973 au ministère de l’Agriculture
Lycéenne à Condorcet en série B (l’économie), elle se verrait bien prof d’anglais. Elle aime cette langue mais pas trop les études. Martine décide de monter à Paris rejoindre son frère et passer un concours qui la fait entrer en 1973 au ministère de l’Agriculture où elle fera toute sa carrière, « une belle carrière », dit-elle. Au début, dans le très chic VIIe arrondissement, c’est une petite main chargée de contrôler les entreprises forestières et les scieries de l’Ile-de-France. En 1976, elle est envoyée à Amiens où elle reste jusqu’à sa retraite en 2016, sans jamais cesser d’habiter à Saint-Quentin et son cher quartier Saint-Jean. Après force concours et examens, l’agent technique devient ingénieur de l’agriculture et de l’environnement.
C’est un métier de terrain, en son temps très masculin, où Martine Libert côtoie aussi bien les propriétaires forestiers à particule que les marchands de bois et les bûcherons. Cette femme détonne dans ce milieu d’hommes. Elle est connue de tous en Picardie, en tant que représentante du ministère dans la filière bois jusqu’en 2008. A 54 ans, elle se lance dans un nouveau challenge : l’aménagement foncier et la politique de l’eau dans la Somme. Ses quarante années de bons et loyaux services lui valent d’être honorée du grade d’officier dans l’ordre du Mérite agricole.
Martine Libert, pendant 30 ans, est une habituée des trains entre Saint-Quentin et Amiens. Parmi les voyageurs, des liens se créent. En 2014, certains l’incitent à candidater pour le conseil de quartier Saint-Jean, une structure de démocratie participative. Pas très emballée, elle accepte quand même. Les élus sont tirés au sort à Fervaques. Au moment de partir, descendant les marches, elle entend toute surprise son nom : c’est fait, elle est désignée ! Lors de la première réunion à Matisse, elle ne connaît personne et se demande ce qu’elle fait là. Pas pour longtemps : elle remarque Daniel Bourdier, le président de l’Association d’animation Saint-Jean, qui la remarque aussi. Ils se comprennent, elle adhère. Martine s’intéresse à l’animation. Elle apporte à l’association son savoir-faire professionnel et sa bonne connaissance des rouages
administratifs, à tel point qu’elle en devient la secrétaire en 2016 : à 62 ans, elle découvre un monde nouveau, la vie associative ! Comme quoi, il n’y a pas d’âge…
En 2019, Martine Libert accède à la présidence. Les actions de l’association couvrent toute l’année : goûter-dansant en février à Paringault, vide-grenier à Vermand-Fayet en mars, la célèbre foire au boudin en avril, dont le point d’orgue est l’intronisation des personnalités (il y a une liste d’attente, le diplôme et la médaille de compagnon du boudin sont très convoités). En mai, l’Association d’animation Saint-Jean est l’une des rares à participer en costume au défilé des fêtes du bouffon. Saint-Fiacre est honoré en septembre, avec ses légumes et ses vélos fleuris. La rue d’Epargnemailles accueille en octobre la brocante. Chaque mois, dans la bonne humeur, c’est l’étonnant yoga du rire à l’Espace Matisse. La soixantaine de membres de l’association sont beaucoup plus que de simples adhérents : des bénévoles qui ont à cœur d’offrir une multitude d’activités très variées, ouvertes à tous et gratuites.
Martine Libert s’investit beaucoup dans la fonction qui a décidé de ses premiers pas dans le monde associatif : conseillère de quartier, elle fait visiter Saint-Jean et son Art déco lors des journées du patrimoine. Elle ne craint pas non plus de participer à une initiative plus prosaïque : la journée de la propreté, pour que son Saint-Jean soit comme un sou neuf ! Martine Libert a un dernier engagement : elle fait partie du réseau national « Villes amies des aînés » qui agit en faveur des personnes âgées, dont elle se sent depuis toujours très proche. Un projet lui tient particulièrement à cœur : la création à Saint-Quentin d’un « pôle seniors », informant le grand âge sur toute demande, à l’image du « pôle jeunesse ». Qu’est-ce qui motive Martine Libert ? « Je ne me l’explique pas, je marche à l’affect. » Avec une constance : la fidélité à son métier, à sa ville et à son quartier.