L’invité de Mousset

Comme tous les mois, Emmanuel Mousset part à la rencontre de celles et ceux qui façonnent l’histoire de notre ville. Cette fois, voici Colette Benhaïm, la responsable des Equipes du Rosaire qui, dans les années 60, fut l’une des premières à réussir le concours d’entrée à l’école d’aides-soignantes de Saint-Quentin. Une vie passée au service des autres, construite autour de sa foi chrétienne…

Qui connaît les Equipes du Rosaire ? C’est un important mouvement catholique et laïc réparti dans le diocèse de Soissons, Laon et Saint-Quentin en 51 équipes regroupant 424 fidèles. Sa responsable et animatrice est Colette Benhaïm. Croyante, elle l’est depuis son enfance, éduquée par des parents agriculteurs et chrétiens, puis dans l’école privée de la Sainte-Famille à Ham, influencée aussi par son grand-oncle Charles, prêtre. A l’adolescence, quand beaucoup se détournent de la religion, Colette persévère dans la foi. Elle se rêve en missionnaire partant à l’autre bout du monde pour propager la Bonne Nouvelle, marquée par la lecture des vies de saints. Très tôt, vers 12 ans, elle est attirée par les Sœurs missionnaires de Notre-Dame d’Afrique, appelées les « Sœurs blanches ». Mais un tel engagement demande de l’instruction. Colette Benhaïm quitte l’école après le certificat d’études, à son grand regret. C’est qu’il faut s’occuper de la ferme : « Je sais traire les vaches, biner les betteraves, lier une botte de foin et conduire un tracteur. » Ses parents aimeraient qu’elle épouse un agriculteur : la jeune Colette préfère se consacrer à Dieu.

Sa foi chrétienne est exempte de tout dolorisme

A défaut d’être religieuse, elle devient infirmière, une autre forme d’apostolat. A l’école, elle aimait les sciences, l’anatomie, le calcul. Elle dérobe et dévore les ouvrages de sa sœur qui poursuit des études. Dans les années 60, l’hôpital de Saint-Quentin a besoin de bras : Colette Behaïm est parmi les cinq premières à réussir le concours d’entrée à l’école d’aides-soignantes. Au début, elle travaille dans le service cardio-vasculaire : très vite, la souffrance des patients lui devient insupportable, traumatisée par la mort affreuse de sa mère atteinte d’un cancer à une époque où la morphine était rare. Colette avait alors 21 ans. Elle rejoint la maternité où elle mènera l’essentiel de sa vie professionnelle. Devenant « référente douleur », elle milite pour l’introduction de pompes à morphine. « Aujourd’hui, on ne laisse plus souffrir les malades », se réjouit-elle. Autant dire que sa foi chrétienne est exempte de tout dolorisme :
c’est l’apaisement qu’elle recherche.
Il y a l’amour de Dieu dans la vie de Colette Benhaïm ; il y a aussi l’amour d’un homme. Dans les années 80, Jean-Pierre est le gérant de l’épicerie fine « Les Portes de Provence », au 83, rue d’Isle. Colette remporte un bon d’achat qu’elle doit retirer dans la boutique : coup de foudre immédiat pour lui… pas pour elle. Il lui fait une cour assidue mais vaine : apportant chez elle un panier de légumes, Colette lui demande de ne pas revenir. Roméo décide alors de passer la nuit devant l’appartement de sa Juliette, dans un duvet au fond de sa voiture : aucun effet. Il faudra attendre trois mois pour que le miracle se produise : Jean-Pierre laisse pour quelques minutes les commandes de son épicerie à celle qu’il aime afin de raccompagner un vieillard. Ce geste de charité émeut Colette : elle accepte ce qu’elle avait jusqu’à présent refusé, une invitation au restaurant. L’amour a gagné !
Un an plus tard, le couple se marie. Quelques jours avant sa disparition en 2012, Jean-Pierre confie à leur fille Claire : « La plus belle chose dans ma vie, c’est d’avoir rencontré ta mère. »
Les épreuves n’ont pas entamé mais renforcé sa foi. Colette Benhaïm est très engagée dans la vie de l’Eglise. Les Equipes du Rosaire réunissent chaque mois des chrétiens à domicile pour prier, car la participation à la messe ne suffit pas. La rencontre dure une bonne heure, partagée entre la méditation des textes bibliques et des intentions de prière. Ce n’est pas un « groupe de parole » : la séance est organisée autour d’un livret national. Le Rosaire est une dévotion à la Vierge Marie, intercesseur en faveur des hommes auprès de Dieu. « C’est plus facile de s’adresser à Marie qu’à Jésus », explique Colette. La prière à l’Esprit Saint inspire aussi le groupe. Chaque membre, chez lui, s’engage à prier quotidiennement l’un des vingt mystères, parmi lesquels Colette Benhaïm a choisi ceux qui la touchent le plus, les mystères dits « joyeux » : l’Annonciation, la Visitation et la Nativité. Toutes les Equipes du Rosaire se rassemblent deux fois par an dans un lieu marial.
La croix singulière que porte Colette Benhaïm signale son autre engagement : elle est oblate séculier à la Congrégation des Serviteurs de Jésus et Marie de l’abbaye d’Ourscamp dans l’Oise. A ce titre, elle participe deux fois par semaine à la messe, fait une retraite annuelle de cinq jours, est conseillée par un père spirituel et se confesse au moins tous les deux mois. Ce dernier exercice ne paraît-il pas de nos jours rebutant ? « Les gens ne comprennent plus ce qu’est le péché. Il commence avec la tentation, la médisance, l’absence de respect. Il est tellement répandu que ce n’est plus un péché pour beaucoup. » Et le Diable dans tout ça ? « C’est l’esprit du mal. Il vient quand on ne s’y attend pas. » Serait-il envisageable que Colette Benhaïm perde un jour la foi ? Après quelques secondes de réflexion, elle répond : « Je ne pense pas, mais nul ne sait comment il réagirait devant un grand malheur. » n
Pour celles et ceux, croyants ou non, qui souhaitent s’informer sur les Equipes du Rosaire : benhaim.colette@gmail.com. Tél. : 06 10 79 27 01.