X. BERTRAND lance « Nous, France ! »

Pour Xavier Bertrand, la page de la présidentielle est définitivement tournée. Du moins celle de 2022… Bien décidé à jouer un rôle de premier plan sur la scène nationale, le président des Hauts-de-France va annoncer ce 1er octobre à Saint-Quentin la création de son propre mouvement, qu’il a baptisé « Nous, France ! ». A travers cette nouvelle formation politique, conçue comme un laboratoire d’idées, Xavier Bertrand entend porter un projet « républicain, populaire et humaniste ». Avec en ligne de mire la présidentielle de 2027. Rencontre…

Ce 1er octobre à Saint-Quentin, vous allez annoncer la création de votre propre mouvement que vous avez décidé d’appeler « Nous, France ! ». Question simple : pourquoi ce nom ?
– X.B. : « Tout simplement parce que c’est nous pour la France. Vous savez, nous sommes tous très attachés à notre pays mais la vraie question c’est : qu’est-ce qu’on peut faire pour lui ? Avec « Nous, France », je souhaite qu’on se mette collectivement au service du pays. Parce qu’on a envie d’en être fier, on a envie que la France soit un pays fort, dans lequel on résorbe enfin les fractures, qu’on se retrouve et qu’on se rassemble. C’est ça l’idée, c’est à la fois la France et les Français… »

A travers ce mouvement, vous militez pour « une reprise en main du pays par son peuple ». C’est-à-dire ?
– X.B. : « Je ne crois pas à l’impuissance publique. Je sais que beaucoup de Français se disent : on a essayé la droite, on a essayé la gauche, on a même essayé les deux en même temps… Avec au fond le sentiment que tous les politiques sont condamnés à l’impuissance publique, qu’on ne peut plus rien faire, qu’on ne peut plus bouger les choses. Mais c’est faux ! Je le vois dans ce que j’ai pu réaliser en tant que député avec la réforme des retraites en 2003, ou en tant que ministre avec l’interdiction de fumer dans les lieux publics, la mise en place du service minimum… Je le vois dans ma fonction de président des Hauts-de-France, avec les bons résultats obtenus en faveur de l’emploi, l’implantation de grandes entreprises, le Canal Seine-Nord Europe… Bien sûr qu’on peut faire bouger les choses ! Mais il ne faut pas raconter de sornettes, bercer les gens de fausses illusions. C’est ça l’idée de reprendre en main le pays. à travers « Nous, France », je veux d’abord le faire dans un esprit de rassemblement. »

Votre mouvement a également pour ambition d’instaurer une « République des territoires ». Une façon d’en finir avec l’Etat jacobin ?
– X.B. : « Exactement. Le fait que quasiment tout ce qui concerne notre vie quotidienne se décide à Paris n’est plus supportable. C’est la raison pour laquelle notre vie est si compliquée. Chaque décision met un temps fou à être appliquée, chaque projet met une éternité à voir le jour… Je reste persuadé qu’il faut une clarification des missions de l’Etat. à sa charge, les fonctions régaliennes, qui ne sont malheureusement plus très bien assurées, à l’image de la sécurité. Charge à lui aussi de préparer l’avenir. On a coutume de dire : « gouverner, c’est prévoir ». à mon sens, c’est surtout anticiper et là encore, l’Etat n’assure plus cette mission comme il le devrait. Quoi qu’il en soit, il faut que ce soit dans les territoires que les prises de décision soient les plus larges possibles, dans des domaines aussi variés que la santé, les transports ou le logement. Je ne vois pas pourquoi Paris devrait décider de tout. Ça n’a pas de sens, il faut changer de système. »

« Nous, France » sonne comme un « appel solennel à l’unité ». L’union est-elle encore possible dans un pays plus divisé que jamais, où le communautarisme n’en finit plus de creuser des fossés ?
– X.B. : « L’enjeu, c’est de rassembler. Si on ne cherche pas à rassembler, on ne va pas seulement finir par se regarder de travers, on va se retrouver face à face, dans une vraie confrontation. Mais il n’y a aucune fatalité à cela ! Les fractures, les communautarismes sont contraires à l’esprit républicain et si on ne les combat pas, alors on risque de déstabiliser encore plus un pays comme le nôtre qui est déjà terriblement fragilisé. Oui, il faut chercher à rassembler, mais pas n’importe comment, il faut le faire sur des idées et des valeurs fortes. La droite à laquelle je crois, la droite républicaine, elle est pour moi synonyme d’ordre et de travail. L’ordre, c’est un préalable, on ne peut pas continuer à connaître un désordre comme celui qu’on connaît aujourd’hui, c’est impossible. Pour le reste, la notion de « vivre en commun » est vraiment ce qui doit sous-tendre l’action d’un maire, d’un élu quel qu’il soit mais aussi du président de la République. Chercher à rassembler, c’est l’essentiel. »

Restaurer la valeur du travail est l’une de vos priorités. Vous faites partie de ceux qui ont le sentiment que « la France qui se lève tôt » n’est pas toujours récompensée ?
– X.B. : « Clairement. Le travail ne paye pas assez. Prenez l’exemple des classes moyennes. Elles sont trop riches, paraît-il, pour être aidées, et elles ne sont pas assez riches pour réussir à boucler leurs fins de mois. Pourtant, elles symbolisent le travail et la valeur du travail. Dans le cadre de la présidentielle, j’avais défendu l’idée d’une prime au travail, qui allait beaucoup plus loin que la prime d’activité qui existe aujourd’hui. Je reste convaincu que ça reste la clé, c’est-à-dire que ceux qui travaillent aient la possibilité de s’en sortir, d’assurer le devenir de leurs enfants et d’envisager l’avenir avec plus de confiance. Le travail doit véritablement apparaître comme une valeur fédératrice. »

Le patron des Hauts-de-France crée sa propre formation politique

Vous n’avez jamais caché votre inquiétude de voir les extrêmes, de droite comme de gauche, accéder au pouvoir… Avec « Nous, France », vous entendez une fois de plus faire rempart ?
– X.B. : « Le Rassemblement National a beau essayer de changer d’image, c’est toujours la même chose. C’est-à-dire la même incompétence et un programme désastreux s’il était appliqué. On peut changer la vitrine ou l’enseigne, mais la réalité c’est que le magasin et l’arrière-boutique sont toujours les mêmes au RN. J’ai bien conscience que de nombreux Français ont la tentation de se tourner vers les extrêmes que sont La France Insoumise et le RN, avec le risque de voir le pays plonger dans une situation encore plus difficile. C’est la raison pour laquelle je les combats. Tous ceux qui estiment aujourd’hui qu’il faudrait faire l’union de la droite républicaine et de l’extrême-droite ont tort. Toux ceux qui veulent tendre la main au FN finiront par manger dans la main du FN. Voilà ce qui se passera. J’appartiens à une famille politique, celle du général De Gaulle, de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy, des hommes qui ont toujours combattu
l’extrême-droite. Moi, j’entends qu’on reste fidèle à cet ADN. Mais en même temps, il faut clarifier notre ADN, il faut arrêter de courir après les extrêmes. »

Vous lancez votre propre mouvement au moment même où les Républicains se cherchent un nouveau président. Pourquoi ne pas vous être positionné pour prendre en main la droite républicaine ?
– X.B. : « Parce que mon ambition n’est plus de diriger ce parti politique. Je ne veux pas seulement parler à des adhérents, je veux parler à tout le monde. Un parti politique reste focalisé sur les élections. Moi, je veux qu’on travaille en dehors des élections pour apporter des solutions. Et il y a urgence ! Je n’ai pas envie de voir mon pays s’affaiblir, on ne peut se permettre ni le chaos, ni l’immobilisme. »

Si vous avez le regard tourné vers l’avenir, impossible de ne pas revenir un instant en arrière : à aucun moment vous n’avez regretté d’avoir participé à la primaire des Républicains, avec à la clé un échec qui vous a contraint à ne pas vous présenter à la présidentielle ?
– X.B. : « Non, parce que c’était la seule solution de tenter de faire l’unité, de présenter un seul candidat. Bien sûr, j’aurais préféré que ce soit moi mais je suis bien obligé de reconnaître que je n’ai pas réussi à convaincre les adhérents qui étaient alors les seuls à pouvoir voter. Je connaissais les règles du jeu, je les ai acceptées en étant persuadé que si je restais en dehors, avec deux candidats issus de la droite républicaine, le résultat n’aurait pas été meilleur. »

Une fois encore, vous avez choisi Saint-Quentin pour faire une annonce nationale. C’est pour vous une question de fidélité, d’attachement ?
– X.B. : « Bien sûr, c’est ma ville. J’y suis arrivé vers l’âge de 12-13 ans et c’est une ville que je n’ai jamais plus quittée. C’est la ville où mon fils est scolarisé, là où j’habite. On me dit parfois : « Ah, vous êtes de retour à Saint-Quentin ». Mais non ! Tous les soirs, je dors à Saint-Quentin, je ne réside pas à Lille. C’est ici que j’ai tous mes souvenirs d’ado avec les copains, les souvenirs de mes premiers rendez-vous politiques avec Jacques Braconnier. D’ailleurs, si j’ai voulu garder une fonction au sein de la communauté d’agglomération, avec en charge le parc d’Isle, c’est parce que c’est un endroit qui me permet de me ressourcer. Pour moi, c’était une évidence de choisir Saint-Quentin pour annoncer la naissance de « Nous, France ». Nous pensions initialement que nous serions 300 ou 400. Eh bien, même si on a coutume de dire que les partis politiques ne font plus recette, on va être plus de 1 000 sur le week-end, dont seulement la moitié vient des Hauts-de-France. Ce qui veut dire que toutes les régions seront représentées… »

Qu’est-ce que vous avez envie de dire aux Français qui seraient tentés de rejoindre « Nous, France » ?
– X.B. : « Vous avez des idées, vous n’avez pas envie d’être spectateur de ce qui se passe, alors venez. Que ce soit sur l’autorité, le travail, l’écologie, l’éducation ou encore la santé, vous pensez avoir des solutions, alors venez, on va en discuter. On va voir si ce sont des solutions qui permettraient de s’en sortir, d’améliorer la vie. Si vous voulez être acteur et non plus spectateur, rejoignez-nous ! Et puis, si on est là pour essayer de façonner l’avenir, c’est d’abord et avant tout pour les générations qui suivent. « Nous, France » est un mouvement naturellement tourné vers la jeunesse. »

Pour finir, reconnaissez que dans un coin de votre tête, il y a forcément la présidentielle de 2027…
– X.B. : « Bien sûr. Parce que c’est l’échéance où à chaque fois s’opèrent les choix les plus importants. C’est le moment où les Français désignent celle ou celui qui va conduire le pays et surtout la façon dont on va relever les défis. D’ici 2027, je veux me rendre utile, que ce soit à la tête de la région des Hauts-de-France ou dans un débat public national. D’ici cette échéance, je ne veux pas voir mon pays encore plus affaibli, les Français encore plus divisés. Donc oui, je l’assume, 2027 est une échéance pour laquelle j’ai toujours toute mon énergie et tout mon enthousiasme. »

Propos recueillis par Bertrand Duchet