Main dans la main, deux associations de commerçants se sont retrouvées le 29 mars sur la place de l’Hôtel-de-Ville pour exprimer leur colère et leur lassitude. Drainant dans leur sillage une centaine d’enseignes, le Groupement Chance et les Boutiques de Saint-Quentin ont eu ce jour-là un seul et même mot d’ordre adressé aux représentants de l’Etat : « Ouvrir ou périr ». « Depuis le 20 mars, les commerces considérés comme non essentiels ont été contraints une nouvelle fois de fermer leurs portes, rappelle Joël Roland, président du Groupement Chance et patron du garage Renault du bd Victor-Hugo. Une décision vécue comme une punition dans la mesure où tous les commerçants, quelle que soit leur activité, ont fait de gros efforts pour que les gestes barrières soient respectés au sein de leur établissement. »
Mais au-delà de la question sanitaire et de la nécessité de limiter l’accès aux lieux publics, c’est cette question de « non essentiel » qui n’en finit plus de faire débat. En clair, pourquoi un salon de coiffure est-il autorisé à ouvrir mais pas un salon de beauté ? Pourquoi un cordonnier peut-il accueillir des clients contrairement à un magasin de chaussures ? Si la polémique fait rage partout en France, nulle question de discorde entre commerçants saint-quentinois. « Nous sommes tous solidaires, insiste Philippe Eloy, le responsable des Boutiques de Saint-Quentin. La preuve, bon nombre de commerçants autorisés à ouvrir sont aujourd’hui venus soutenir ceux qui doivent rester porte close. » Pour ces derniers, l’obligation de fermer est un nouveau coup dur sur le plan financier, comme l’explique Audrey Diacre, gérante de la boutique Mod’Homme dans la rue Emile-Zola : « En plus des loyers et des charges habituelles, on doit aussi payer nos stocks. Pour ma part, cela fait plus de six mois que j’ai commandé ma collection printemps-été de prêt-à-porter. J’ai reçu toute la marchandise le 13 mars et une semaine plus tard, on m’annonce que je dois fermer boutique. En attendant, qui va payer mes stocks ? »
Ouvrir ou périr… C’est aujourd’hui un sentiment d’écœurement et d’abandon qui prédomine chez les commerçants qui ont dû baisser le rideau. Enseignes d’habillement, magasins de jouets, bijoutiers, instituts de beauté, sans parler de tous les secteurs d’activités à l’arrêt depuis le deuxième confinement : c’est aujourd’hui tout un pan du commerce local, et donc de notre économie, qui est en train de sombrer. Présente ce jour-là aux côtés des commerçants, Frédérique Macarez, maire de Saint-Quentin, a tenu à exprimer sa solidarité : « Pour tous, le manque de visibilité est source d’abattement. Mais les commerces qualifiés de non essentiels ont en plus le sentiment d’être discriminés et montrés du doigt, sans que leur voix soit entendue. Des mesures d’accompagnement sont plus que jamais nécessaires. On ne s’en sortira qu’en se serrant les coudes… »