Dans l’Aisne, 240 décès ont été enregistrés depuis le 18 mars, 191 personnes sont toujours hospitalisées, dont 18 en réanimation. Plus que jamais mobilisée, Frédérique Macarez fait le point sur la situation à Saint-Quentin.
Comment percevez-vous cette crise sanitaire ?
– F. Macarez : « Chacun a conscience de la gravité de cette période. Elle bouleverse tout ce que l’on peut connaître et remet en cause nos façons de raisonner sur le plan humanitaire et économique. Cinquante-cinq jours de confinement, c’est long, mais cela s’est globalement bien passé. Nous sommes dans un département et une région plus touchés que d’autres, les défis restent devant nous. L’évolution de la situation dépendra de nos comportements individuels. Entre le 15 mars et le 12 mai, nous avons enregistré une augmentation de 50 % du nombre de décès. En terme de flux dans les hôpitaux, ça va mieux mais cela reste un point de préoccupation pour les soignants. Il y a eu un extraordinaire élan de solidarité. »
Comment la Ville s’est-elle adaptée ?
– F. Macarez : « Nous voulions être présents au rendez-vous de la solidarité auprès des personnes isolées, âgées… avec un service public qui s’adapte à l’enjeu. Dès le 16 mars, nous avons mis en place un N° de Solidarité, nous avons appelé une fois par semaine les personnes seules qui le souhaitaient et pris différentes initiatives pour que le temps soit moins angoissant. Les appels téléphoniques se poursuivent, comme les passages dans les Ehpad, les béguinages… »
Où en sommes-nous aujourd’hui ?
– F. Macarez : « Nous sommes sur une période transitoire très importante. Il ne faut pas confondre déconfinement avec relâchement de nos comportements individuels. Il ne s’agit pas de recevoir chez soi, mélanger les enfants… Il faut éviter les regroupements, sortir par nécessité, garder une certaine discipline, les gestes barrières, l’hygiène des mains, la distanciation d’au moins 1 mètre et le port du masque en complément des gestes barrières. à Saint-Quentin, le masque est obligatoire dans les transports urbains qui ont limité leur capacité d’accueil des voyageurs. Il faut bien sûr faire attention de bien porter le masque au dessus du nez et sous la bouche. »
Sur le plan sanitaire ?
– F. Macarez : « Si vous avez une suspicion de Covid-19 avec de la fièvre, de la toux, il faut appeler votre médecin traitant qui pourra demander un test et faire un signalement à une brigade mise en place par l’assurance maladie. Une quarantaine de personnes sont mobilisées pour rappeler les malades, leur indiquer les bonnes mesures à prendre en terme d’isolement… Si une difficulté survient pour s’isoler, une cellule pilotée par le préfet proposera une solution dans une structure hôtelière. Autre message important, il faut que les personnes qui ont besoin d’être suivies médicalement en permanence n’hésitent pas à consulter, tous les cabinets sont rouverts. »
Des masques ont également été distribués gratuitement à la population…
– F. Macarez : « Dès le 13 mai, nous avons fait le choix de les distribuer en porte-à-porte pour éviter les regroupements. Deux masques chirurgicaux par habitant ont été offerts par la Région Hauts-de-France, ce pour quoi je remercie Xavier Bertrand, son président. Un masque en tissus réutilisable a également été offert par la Ville. Des masques aux normes réalisés par une broderie du Nord. Les personnes absentes lors de notre passage ont eu un avis pour les récupérer autrement. C’est un coût pour la Ville de 220 000 € et 250 personnes mobilisées pour la distribution. »
Avec le déconfinement progressif, la vie a-t-elle repris son cours ?
– F. Macarez : « Le commerce de proximité en centre-ville et dans les quartiers va avoir besoin des Saint-Quentinois. Ils ont été fermés pendant 45 jours sans rentrées financières. Malgré les aides, les charges continuent, c’est une situation difficile. Si on aime les commerces de proximité, il ne faut pas hésiter à les fréquenter. Ils se sont organisés pour maîtriser les flux de clients. Nous avons par ailleurs mis en place une cellule économique, des aides de 500 à 1 500 € ont été décidées avec l’Agglo du Saint-Quentinois pour ceux qui ne pouvaient pas avoir le fonds de secours de l’Etat. En juin prochain, la Ville a décidé de conduire une opération avec les commerçants pour créer un flux direct dans les commerces. Nous attribuerons 100 000 € à gagner sous forme de bons d’achat de 20 ou 25 €. Quant aux marchés, ils ont repris leur activité avec des conditions exceptionnelles pour éviter les attroupements. Nous allons y réintégrer les commerçants non alimentaires. »
Combien de temps vont durer ces mesures exceptionnelles ?
– F. Macarez : « Nous avançons par période de trois semaines, celle que l’on vit actuellement va jusqu’au 2 juin, sauf si on enregistre un nouveau départ de cette crise sanitaire. Les services essentiels reprennent au fur et à mesure :
l’agence postale communale au quartier Saint-Martin est rouverte ; sur rendez-vous, on peut se rendre à l’état-civil et dans les déchetteries, également dans les cimetières avec restriction ; un service de drive va être ouvert pour la bibliothèque, les musées vont eux aussi rouvrir… Pour l’heure, les bâtiments associatifs, sportifs et les salles des fêtes restent fermés. »
Pour conclure, quels conseils donnez-vous aux Saint-Quentinois ?
– F. Macarez : « Tout simplement de suivre les consignes sanitaires et continuer à œuvrer dans un esprit de solidarité. Nous sommes tous conscients des difficultés, on ne peut y arriver qu’en se serrant les coudes et en étant attentifs aux autres. Etre patient dans l’attente d’un vaccin qui n’arrivera pas tout de suite…
Comment s’est passée la rentrée scolaire ?
– F. Macarez : « La semaine dernière, sur les 25 écoles publiques de la ville, nous avons accueilli 276 enfants sur le temps scolaire, soit un taux de 15,5 % et 54 enfants dans les cantines. Nous avions dans la plupart des cas trois niveaux :
grande section, CP et CM2, avant sans doute une extension du nombre de possibilités. C’est un démarrage en douceur qui permet de se préparer sereinement avec les équipes du côté de la ville. Dans les écoles où il y a un restaurant scolaire, les enfants y vont, là où il n’y en a pas, ils mangent dans leur salle de classe. Nous avons mis en place des repas pour éviter les manipulations. Chaque élève a son plateau repas. Le planning de nos agents a été modifié, nos Atsem (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles) travaillent en roulement, cela nous permet de respecter le protocole qui a été mis en place par l’éducation nationale. Cela s’est globalement mieux passé que chacun pouvait se l’imaginer. » Erick Leskiw