Voilà près de quatre décennies que Frédéric Marconnet évolue dans l’univers de l’automobile. « A l’âge de 16 ans, j’ai été formé à la mécanique et à la carrosserie au CFA de Laon. J’en ai fait mon métier mais cela m’a aussi permis de toucher du doigt ma passion pour la course automobile. » S’il s’est essayé au pilotage, Frédéric s’est surtout distingué en fabriquant des répliques de modèles légendaires, à l’image de l’AC Cobra ou de la Ford GT40. Au fil des années, sa réputation va lui ouvrir les portes de clients aisés qui n’hésitent pas à lui confier l’entretien et la réparation de véhicules de prestige. C’est d’ailleurs l’un de ces clients qui va changer le cours de sa vie. « En 2019, j’ai croisé la route d’un Suisse qui, vingt ans plus tôt, avait investi dans une entreprise qui produisait, sous la marque Fargo, des voitures légères ressemblant à la Méhari. Malheureusement, le projet n’était pas très bien ficelé, les véhicules étaient trop chers et en l’espace de trois ans, il ne s’en est vendu qu’une petite soixantaine. Pas suffisant pour être rentable… »
Sortie de route pour la Fargo qui va rapidement tomber dans l’oubli. Mais à cœur vaillant, rien d’impossible pour Frédéric qui flaire ici le bon coup. « J’ai vite senti qu’il était possible de redonner vie au projet, d’autant que les nostalgiques de la Méhari sont encore très nombreux en France. » Des passionnés qui doivent au bas mot débourser 25 000 € pour s’offrir une occasion en bon état de cette mythique Citroën, dont la production s’est interrompue en 1987.
Après avoir racheté les moules de la Fargo, les plans et les certificats d’homologation, Frédéric Marconnet va s’appliquer, six mois durant, à repenser la production de cette voiture à l’échelle industrielle. Au passage, il lui donne un nouveau nom : Forest. « Un nom qui évoque la forêt, la nature, mais aussi le film « Forrest Gump » qui symbolise une forme de liberté. »
En mai 2022, Frédéric fonde à Pinon (entre Laon et Soissons) l’entreprise Forest Automobile, dont la gestion est confiée à Marie-Françoise Riquet, qui l’accompagne dans l’aventure. Dans l’atelier, après trois semaines de montage arrive enfin le grand jour : la toute première Forest est née. Dans la foulée, un reportage télévisé va lui servir de rampe de lancement. « Tout de suite, on a été assailli d’appels ! Notre première vente s’est faite en septembre 2022 avec un habitant de Douai qui avait envie de se faire plaisir sur les plages du Nord. Et depuis, ça n’arrête pas. En moins de six mois, on a déjà vendu 45 véhicules, dont certains ont rejoint la République Dominicaine, la Martinique ou encore l’île de la Réunion. »
Si elle fait indéniablement penser à la Méhari, la Forest a aussi un petit air de Jeep Willis et de Wrangler. Bref, une bonne bouille qui lui assure une jolie cote d’amour. Mais son prix de vente y est aussi pour quelque chose : 18 500 € clé en main, quel que soit le modèle. « C’est impossible d’être trop gourmand avec ce type de véhicule. Ma priorité a toujours été de proposer un prix abordable. » Et pour cela, avec ses équipes, Frédéric produit la Forest de A à Z dans ses ateliers, depuis le châssis jusqu’à la sellerie, en passant par la carrosserie, le montage ou la mécanisation. « On utilise des moteurs de Peugeot 106 ou 206 entièrement reconditionnés. Nos clients ont le choix entre deux motorisations de 1160 cm3 ou 1380 cm3. » La Forest est également équipée d’un kit éthanol, qui lui permet de rouler propre. « C’est un atout pour une voiture qui se veut écolo. Et puis, quand on me dit que l’Aisne est le département de la betterave, je réponds que c’est aussi le département de la voiture qui roule à la betterave ! », sourit Frédéric.
Aujourd’hui, son équipe compte dix-huit personnes, dont la capacité de production est de quatre voitures par mois. Résultat : le temps d’attente pour s’offrir une Forest flirte déjà avec les six mois. « C’est beaucoup trop, reconnaît le patron. D’autant que dans les mois qui viennent, nous pourrions signer un contrat avec l’armée française pour la fourniture de véhicules légers inspirés de la Forest, à raison de 150 par an. »
Son objectif est donc très clair : doubler au plus vite ses effectifs pour faire face à la demande. Mais comme toujours, pas facile de dénicher des spécialistes déjà formés dans des domaines aussi divers que la chaudronnerie, le travail des composites ou la sellerie. C’est pourquoi Frédéric se propose, avec l’aide des structures locales, de monter son propre centre de formation professionnelle. « Il faut un mois pour former une personne motivée sur un poste bien déterminé. Le pari n’est donc pas impossible à relever », insiste celui qui, au passage, aimerait faire la promotion de sa région : « Si on excepte les moteurs, qui sont tout de même français, la Forest est 100 % made in Hauts-de-France. C’est pour moi une vraie source de fierté. »
Forest Automobile : rue des Tilleuls à Pinon.Tél. : 06 11 24 12 93.